Frig

Qui regarde ?

Une œuvre d’art
Une statue de femme
Aux seins nus
Envoûtante...
Idéal bienfaiteur
Ou cauchemar incandescent...
Île des morts
Ou voyage à Cythère...
Beauté d’extase ou nuit malsaine...
Autant de traductions que de lectures
Et d’instants hasardeux...
Il y a dans mes yeux
Plus d’un passager clandestin
Qui affleure et qui se rappelle
À mon présent regard
Qu’il fertilise.
Il dormait.
Mes yeux d’aujourd’hui
L’ont réveillé.
L’anonymat des tutélaires
A plus de valeur et de poids
Que mon identité passante.
Ils savent mieux que mon présent
Les sources du savoir
Et me font regarder le monde
À ma façon qui est la leur
Autant qu’ils font agir les mains
Qui ont sculpté cette œuvre d’art.
L’enfant frustré
L’adolescent adorateur
L’adulte enamouré
Le vieil homme et la mort
Multiplient passionnément mon regard.
Plus je sens sur ma vie le souffle de la mort
Plus je demande à la Beauté de me guérir.
Comme si la beauté savait tout de la vie
Arrivée la première
Avant les aléas de mon destin
Pour y répondre.
Un tel réseau de peine-et-joie
Obtient de la sculpture
Une réponse à ma hauteur
Au point que l’œuvre d’art
En pleine embellie se dévoile
Hors du temps ma contemporaine
Et que nos regards n’en font qu’un
De rencontre amoureuse.
Alors je suis le colporteur
D’un musée-confidence
Où je sublime une apparence
Illimitée.
La confusion des eaux mêlées
Dans l’espace obtient du soleil
Les sept couleurs en signature
Avérée de l’alliance.
Un regard pense à travers moi
Ma main travaille en un rêve étoilé
Je suis sculpté par la visitation
De l’invisible.
Existe au milieu de la nuit du temps
Un instant merveilleux
Où un regard et un objet
Sont réceptifs et lumineux.
Cet instant fait du spectateur
Un homme élu
Et de l’artiste un artisan de la vie éternelle.